Apprendre de la nature avec les artistes
Notre lien avec la terre est primordial. Cela entraîne ou devrait entraîner le respect et la protection du vivant et des ressources qui nous entourent. La création artistique in situ peut apporter une contribution significative à nos perceptions, réflexions et engagements pour notre environnement. Cette prise de conscience et les projets réalisés ont pris au cours du 20ème siècle le nom de Land art et plus récemment d’Art Nature. Bois, pierres, sable, eau, rochers, feuilles… La Terre est à la fois inspiratrice et terrain d’expérience pour les artistes. Pensées et installées en extérieur, leurs œuvres éphémères ou pérennes s’intègrent dans l’espace qui les abrite et sont en perpétuelle évolution par l’érosion naturelle.
En Europe, un regroupement de partenaires a pris le nom d’European Landart Network (ELAN). Officiellement fondé en 2013, agréé par le programme Culture de l’Union européenne, il sollicite ou soutient des artistes en Allemagne, Italie, Pologne, Suède, France et au Royaume-Uni. La liste pourra s’allonger. Les règles sont toujours les mêmes : comprendre la nature comme source d’inspiration, être en adéquation avec un lieu naturel donné et créer à partir de lui (histoire,
espace, lumière, matériaux).

Les oeuvres d’art réalisées, évoluent, se transforment et font à nouveau partie du cycle de vie de la nature. Des exemples existent dans le Val di Sella dans la province de Trente, dans le Lüneburger Heide dans le nord de l’Allemagne, en Pologne à Orońsko, à Östra Göinge dans le nord-est de la Scanie, en Suède. Ces projets mis en oeuvre dans des zones rurales sont des mises en valeur, des alertes. Ils intriguent et forment les jeunes générations.
Dans l’histoire du Land Art, il y a des grands noms comme celui de Robert Smithson et de son Broken Circle créé en 1971 à Emmen aux Pays-Bas et devenue pérenne ou celui d’Andy Goldsworthy
pour Striding Arches, dressées en grès rouge près de Cairnhead, en Écosse et dans d’autres lieux.
En France, on préfère le mot Art Nature qui définit les projets portés par le Musée Gassendi à Digne-les-Bains ou comme Horizons dans le massif du Sancy (15ème édition en 2021) ou les œuvres de Giuseppe Penone vues ici et là en France.
Pour cette neuvième lettre, l’artiste choisie est Florence Le Maux. Elle travaille seule en dehors de ces grands projets mais dans le même sens : même respect, même ferveur, même attention à l’instant. Elle ne pose pas dans la nature, elle part de la nature et construit avec elle.
Elle habite près de chez nous et en 2019, lors d’un orage associé à des vents violents, le grand cèdre de son jardin est tombé. 30m au sol, gisant. Il est coupé en mars 2020. Le confinement commence et elle décide de travailler à partir de lui, de son tronc, de sa peau. Elle en réalise un moulage en papier murier et, sur lequel, au graphite, elle crée l’empreinte de sa texture, de sa finesse, de ses accidents. Ce souvenir de l’arbre, elle le présente debout.

Crédit Photo ©Claudius Thiriet
Ce papier de murier blanc né de la nature, elle peut aussi le froisser, le travailler au gesso, au liant et aux pigments naturels et faire se lever des images fugitives de textures, de couleurs, de territoires.
Fragilité, solidité, états fugaces, notions du temps qui passe et qui se renouvelle…
Florence aime aussi les «vagabondes », ces plantes, fleurs et graminées qui poussent au bord des chemins, sur les talus, au gré des vents. Recueillies comme matière première elles révèlent par impression, superposition, collages, leur nature.
L’arbre est un monde et Florence tente, – sa méthode est empirique – par estampages, monotypes, gravures -toutes oeuvres délicates, d’autres approches et relevés qu’elle présente actuellement dans Le temps de l’arbre, au Musée Chintreuil, Pont de Vaux (Ain). Dans les collections de ce musée, du nom du paysagiste Antoine Chintreuil (1814-1873), le tableau exposé Le val aux osiers-gelée blanche, huile sur papier marouflé sur toile vu avec Florence est un joli contrepoint à son travail.

Séquoia, relevé de coupe,
Pigments et graphite
sur papier murier

Vivre le lieu, Ozenay, 2019
Papier mûrier, carreaux de sol, empreinte d’un lieu de vie

Vagabonde
Collage Monotype
Sur son site : www.florencelemaux-plasticienne.com, sont présentés les travaux réalisés in situ ici (Bourgogne, Rhône-Alpes…) et ailleurs (Suisse – Québec- Luxembourg) ainsi que les scénographies
de théâtre et la coordination du projet européen Femin Art France Hongrie Lituanie (2014-2016).
Non d’après la nature mais avec et dans la nature,
révéler la richesse historique, sociale, topographique et biologique
d’un lieu et sa diversité.
Nane TISSOT
octobre 2021