Avec Natura 2000, devenir les jardiniers de sa commune L’action d’un maire
Témoignage de Pierre-Michel Delpeuch, maire de La Chapelle-sous-Brancion, président du Pays d’art et d’Histoire entre Cluny et Tournus.

Depuis le printemps 2018, la commune de La Chapelle-sous-Brancion s’est mise en mouvement sur un projet pour son paysage : l’élaboration d’un plan bocager communal.
Notre paysage rural est d’une exceptionnelle qualité. L’harmonie du bocage est manifeste, marqueterie de prés, de vignes, de champs cultivés, de bois, liserée de haies et piquetée d’arbres isolés. Noyers, chênes, érables champêtres et aussi, plus particulièrement, peupliers d’Italie.
Ceux-ci apportent des accents verticaux au paysage plutôt horizontal, à la manière des cyprès de Toscane. Les cartes postales anciennes montrent qu’ils étaient beaucoup plus présents il y a un siècle. On dit que la plantation d’un peuplier à la naissance d’une fille préparait sa future dot…
Replantons donc des peupliers pour conforter le paysage que nous aimons, ont dit certains !
Pourquoi pas ? Mais tout le foncier est essentiellement privé, et on ne peut imposer une telle directive aux exploitants agricoles. En effet, durant la seconde moitié du 20e siècle, arbres et haies
n’ont plus été considérés comme bénéfiques à l’écosystème agricole, mais comme des entraves à une agriculture mécaniste et extensive. En outre, d’une manière générale, l’évolution des paysages ruraux est plutôt décourageante : régression du végétal, constructions de hangars agricoles, « mitage » par des maisons qui ne s’intègrent plus dans le contexte… Difficile de renverser l’évolution.
Est-il réaliste d’espérer agir positivement sur une réalité aussi complexe, soumise à des facteurs historiques et économiques qui nous dépassent ? Dans notre cas, deux facteurs ont été déterminants : la mobilisation des associations locales et des personnes motivées ; l’accompagnement par l’animateur Natura 2000 de notre secteur : formations, animation de réunions, organisation d’un stage dédié au plan bocager communal…
Pour commencer, il y eut une « visite de printemps » organisée par le Conseil Architecture Urbanisme Environnement de Saône-et-Loire. Nous avons déambulé pour redécouvrir notre patrimoine paysager. Une conclusion s’est imposée : élargissons la vision, analysons nos paysages et voyons ce qui peut être fait pour en assurer la pérennité.
Nous avons alors réuni des personnes et institutions motivées par cette démarche originale, devenir au 21e siècle les jardiniers de notre territoire communal, tenant le plus grand compte du contexte agricole : Association Culture et Patrimoine, porteuse de l’envie de replanter des peupliers d’Italie, techniciens de l’Office National des Forêts, responsable de Natura 2000, représentante de la Chambre d’Agriculture…
La question de l’économie du projet a été d’emblée abordée : en effet les moyens financiers d’une très petite commune comme La Chapelle-sous-Brancion sont entièrement dédiés à des dépenses incontournables. Heureusement, l’inscription de la totalité de notre territoire communal dans la zone Natura 2000 du Clunisois, destinée à protéger les habitats de plusieurs espèces animales menacées, nous ouvre droit à une prise en charge complète du projet, en associant les fonds européens de Natura 2000 et les possibilités d’autres subventions en faveur du bocage, notamment
régionales. Ceci, parce que le confortement du bocage sur notre territoire, en particulier par le maintien de haies hautes et la replantation, améliorera l’écosystème, par exemple pour les chauves-souris dont Brancion est l’un des sites majeurs en Bourgogne…
Grâce aux échanges en réunions et au long des itinéraires de balades de repérage, un projet global s’est peu à peu précisé. 6 sorties sur le terrain ont été proposées : les techniciens ONF nous ont permis de mieux identifier les essences d’arbres et de plantes visibles depuis nos chemins, et les souhaits d’aménagements complémentaires, de plantations se sont peu à peu précisés.

Le projet qui en résulte, notre plan bocager communal, associe les éléments suivants :
- Aménagement d’un « verger conservatoire » : plantation d’arbres fruitiers d’espèces anciennes, sur une petite parcelle communale à côté du monument aux morts, face à la salle des fêtes, coeur géographique et identitaire de notre commune ;
- Parcours arboretum – découverte botanique : identification d’essences intéressantes, représentatives de la diversité de notre bocage, sur une boucle piétonne d’environ trois kilomètres au départ du verger conservatoire ;
- Replantation de peupliers et d’autres essences locales : il nous reste une trentaine de peupliers d’Italie, et chaque bourrasque endommage ce patrimoine, principalement présent le long de nos modestes cours d’eau. Le week-end de la Sainte-Catherine 2019 a été l’occasion de mobiliser les bonnes volontés pour un grand chantier collectif de plantations, également sur des parcelles privées dont propriétaires et exploitants s’étaient accordés ;
- Replantation de haies : les vertus des haies sont nombreuses, que ce soit comme habitat pour la faune sauvage, la protection contre le vent, le ruissellement de l’eau et l’érosion des terrains, voire la production de bois (plaquettes…). Plusieurs emplacements où l’absence de haie est regrettable suite à leur arrachage il y a quelques dizaines d’années ont été repérés et trois replantations ont pu aboutir à l’automne 2020 ;
- Pour finir, ce commentaire …
…Reste maintenant à faire en sorte que ceci ne soit pas un feu de paille : la croissance des végétaux que nous avons plantés suppose une attention régulière dans le temps long. Débroussailler, protéger, arroser, remplacer. Pendant plusieurs dizaines d’années, alors que nos actions municipales ou associatives sont habituellement focalisées sur quelques mois ou peu d’années. Qui vivra verra ! Espérons que l’engouement ne retombera pas et sera partagé par d’autres personnes dans la durée.