Doit-on se battre pour se défendre ?

Se battre, c’est aimer — défendre ce qui compte, dans les luttes intimes et invisibles du quotidien.
C’est la question qui m’a été posée il y a cinq jours de cela. Alors, se battre, certes, mais pour quoi ? Pour quoi donc irais-je me battre ? Vous l’aurez compris à mon imposante musculature, je n’ai pas souvent été au cœur de sanglants combats, pas même de futiles bastons.
Mais tout de même, me dis-je ! Je me suis bien battu dans ma vie, je ne suis pas resté là, immobile, passif ces 20 dernières années… Mais alors contre quoi me suis-je dressé ! Quelles sont les choses pour lesquelles mon poil s’est hérissé ! Le hérisson se hérisse face au renard fouineur, les soldats s’enhardissent face à l’envahisseur. Mais moi. Mais vous. Nous ne sommes pas en guerre, du moins plus depuis qu’un certain virus est parti… Mais alors, pour quoi nous battons nous ?
J’ai alors quitté la cour de récréation, quitté les soldats partis au front, pour en revenir à des combats bien plus profonds. Ces combats que chacun mène en soi. Je parle là des plus terribles batailles, celles qui rongent nos entrailles, celles qui sans cesse nous tiraillent. Ces combats que nous menons pour ce que nous chérissons. Nous les menons pour tout ce qui est cher à notre cœur, ces choses qui à nos yeux, ont de la valeur. Ces choses qui, pour nous, sont si précieuses que, pour elles nous exaucerions nos idées les plus belliqueuses ! En fait j’en suis sûr, oui, si nous nous battons, c’est que nous aimons. On se bat pour ceux que l’on aime, on se bat pour soi-même. On se bat pour un goûter, on se bat pour une idée. On se bat pour sa destinée, ou pour sa dulcinée.
Alors, ce ne sont pas les combats les plus spectaculaires, ils sombrent même souvent dans l’ordinaire. Et pourtant, ils sont si beaux, si intenses. C’est leur fragilité qui leur donne ce caractère exceptionnel. C’est leur sensibilité qui fait de ces combats les plus belles aventures. Des épopées si grandioses et remarquables qu’elles devraient être contées aux enfants ! Des histoires si tumultueuses et laborieuses qu’elles devraient faire la une le soir au JT ! Pourquoi parlons-nous de dictateur et de nucléaire, ces mots sèment la peur et l’enfer ! Parlons de réussite, de joie et d’espoir ! Sortons du noir, place à la gloire ! Quittons l’effroi, place aux exploits ! Adieu méchanceté, place au progrès !
Unissons-nous pour que Laurent Delahousse nous offre chaque soir au 20 h des récits aussi touchants qu’inspirants : cet enfant contrarié, se battant pour gagner ! Cette femme endeuillée qui retrouve la gaieté. Ou cet ami blessé, qui un jour s’est relevé… Ces combats, ce sont les plus beaux, ces gens-là, ce sont mes héros ! Car ces guerres-là ne sont pas sanguinaires, ces guerres-là, le monde ne s’en soucie guère !
Et pourtant, mon Dieu qu’elles sont dures ! Qu’il est difficile après l’accablante dépression de se relever ! Comme il est difficile en pleine extension de saisir la dernière barre chocolatée ! Oui, ça aussi c’est se battre pour ce qu’on aime
Henri Guérin