« Mutti, ade » Angela encore… revue de presse buissonnière
Le journaliste Dirk Kurbjuweit a dressé dans l’hebdomadaire Der Spiegel N°36/21 un portrait en six pages de Madame Merkel laissant transparaître que malgré ses grandes qualités, son bilan est passable, voire décevant. Imaginez le professeur qui écrirait l’appréciation suivante sur un bulletin trimestriel : « Angela Merkel s’est contentée, par manque d’ambition, de résultats juste convenables en dépit d’un fort potentiel resté à ce jour inexploité ».
Ainsi, pour D. Kurbjuweit, « l’ère Merkel » fut celle du « spectre », à savoir le « spectre » de la crise financière mondiale, celui de la crise de l’Euro auquel succèda celui de la crise des réfugiés, le tout ‘couronné’ par le non moins préoccupant spectre de la pandémie qui sévit toujours. Selon lui, la Chancelière est une personnalité très appréciée (beliebt), mais en refusant à maintes reprises de monter au créneau et donc de s’exposer, elle a attaché beaucoup trop d’importance à préserver cette cote d’amour (Beliebtheit) dans l’opinion publique.
« Peut-on être un politique et quelqu’un de bien ? (1) »
Cette phrase ouvre le dossier « Au revoir Angela » du Courrier International N°1612 du 23 au 29 septembre 2021, dont l’article de Bernd Ulrich, rédacteur en chef à Die Zeit, constitue la part essentielle. Sans dissimuler jamais les difficultés rencontrées par Madame Merkel ainsi que ses points faibles durant ces 16 années, sans céder non plus à la tentation de l’apologie, son article octroie aux lectrices et lecteurs la possibilité de (re)-découvrir la personnalité de celle qui a été en charge de gouverner l’Allemagne depuis 2005.
Pour celles et ceux que le sujet intéresse, l’ouvrage « Angela Merkel, die Kanzlerin und ihre Zeit » de Ralph Bollmann mérite le détour ainsi que la critique qu’en a faite M. Maurice-Ruben Hayoun. Sur internet, d’autres sources sont accessibles, ainsi l’interview par l’Express d’Alice Schwarzer, fondatrice du magazine Emma.
Enfin, pour celles et ceux que la lecture rebuterait, Olivier Piedtenu a produit quelques courtes vidéos au cours de ses déplacements à travers Berlin, qui illustrent les lieux de vie et de travail d’Angela Merkel et de ceux qui étaient ses plus proches collaboratrices et collaborateurs.
Récemment, lors du dernier G20 (30-31 oct) Madame Merkel avait tenu à être accompagnée de son potentiel successeur, M.Olaf Scholz, dont chacune et chacun espère qu’il fera, ainsi qu’il l’a dit dans sa campagne électorale, « une bonne chancelière ». Souhaitons au futur chancelier et à sa « Ampelkoalition » (2) rouge, jaune, vert (2), de mener au mieux les affaires de l’Allemagne et cela va sans dire, de faire progresser l’Europe vers une véritable Union. Implorons Goethe et Newton (3) pour que cette association de couleurs protège l’Allemagne, et pas elle seulement, de virer un jour au bleu ! Bref, l’heure est venue d’adresser à Madame Merkel un chaleureux « Mutti, ade » ! (4)
Jean-François Vérolles et Michael Weihl
Maison de l’Europe à Cluny
(1) Quelqu’un de bien, en allemand : ein guter Mensch, une bonne personne , renvoie au film « La Vie des Autres » avec Ulrich Mühe.
(2) Verkehrsampel : feu de circulation. La ‘coalition’ de partis est ainsi nommée en raison des couleurs qui correspondent aux partis politiques en Allemagne : Le parti conservateur de Mme Merkel : die Schwarzen ( les noirs) ; la SPD (sociaux-démocrates) de M.Scholz, die Roten (les rouges) ; la FDP (libéraux-centristes) de M. Lindner : die Gelben (les jaunes) ; les Ecologistes de Mme Baerbock, die Grünen (les verts) ; l’ AfD Alternative für Deutschland : die Blauen (les bleus), parti d’extrême droite en RFA.
(3) La théorie de Goethe sur les couleurs (1810) a été féconde pour les arts, la physiologie et l’esthétique. Cependant celle de Newton (1671) l’a été pour la physique.
(4) « Mutti » : ‘maman ‘ , terme souvent utilisé ces dernières années en Allemagne pour désigner la chancelière ; « ade !» : vient du français « Adieu », s’emploie très souvent pour prendre congé de quelqu’un, surtout en Souabe et Forêt Noire.