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La Joie, fille des dieux, donne du souffle à l’Hymne européen

L’Hymne à la joie, détail de la Frise Beethoven par Gustav Klimt, 1902. Palais de la Sécession, Vienne Eduthèque – Philharmonie de Paris

Le nom de l’Europe et son drapeau renvoient tous deux à des femmes. Il en va de même avec l’Hymne européen. Une femme l’habite glorieusement, « la Joie, fille des dieux ». L’hymne provient, comme le savent les mélomanes, de la neuvième et dernière symphonie de Ludwig van Beethoven (1823), qui avait décidé, pour son quatrième mouvement, de mettre en musique l’Ode à la joie ( Ode an die Freude ), poème de l’Allemand Friedrich von Schiller, écrit en 1785.

Son poème avait enthousiasmé Beethoven. Il célèbre l’idéal de l’unité et de la fraternité humainesMillions d’êtres, soyez tous embrassés d’une commune étreinte ! »). Au début du poème, Schiller met en scène une femme rayonnante, puissante, enthousiasmante : la Joie, fille de l’assemblée des dieux « Joie, belle étincelle divine, Fille de l’assemblée des dieux, nous pénétrons, ivres de feu, dans ton sanctuaire céleste ! Tes charmes assemblent ce que, sévèrement, les coutumes divisent ; Tous les humains deviennent frères, lorsque se déploie ton aile douce ». Le texte célèbre la fraternité entre les hommes unis par la joie. Cette œuvre connut un grand succès et fut utilisée par plusieurs mouvements politiques, notamment par les ouvriers allemands au XIXe siècle.

Comme pour le drapeau, le Conseil de l’Europe créé en 1949 afin de réconcilier les Européens, a donné le la. Il cherchait un hymne. Pas évident de prendre la 9e symphonie ! Beethoven avait été souvent joué en Allemagne durant la guerre. Mais, son bicentenaire célébré en 1970 changea la donne. L’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe accepta “comme hymne européen le prélude à l’Ode à la Joie, 4e mouvement de la IXe Symphonie de Beethoven”. Le chef d’orchestre autrichien Herbert von Karajan fut chargé d’en faire l’hymne de l’Europe. L’arrangement officiel dure environ deux minutes avec un tempo plus lent que celui choisi à l’origine par Beethoven.

On en a retenu la partie instrumentale, sans les paroles. Il ne fallait pas privilégier en effet, l’une des 24 langues officielles de l’Union. On laissa donc l’hymne “sans paroles”, dans le “langage universel de la musique”. Seul hymne national de ce type. De plus, comme le rappelle le site officiel, l’hymne européen n’est pas destiné à remplacer les hymnes nationaux des pays de l’Union européenne”. Il est interprété lors des cérémonies officielles de l’Union européenne et pour tout événement lié à l’Europe.

Plus récemment, d’autres versions plus modernes ont vu le jour : hip-hop, jazz et même techno. Reprise et réadaptée, “l’Ode à la joie” incarne l’Union européenne aux yeux des Européens. Clin d’œil humoristique ? Le 31 janvier 2020 jour du Brexit, l’Ode à la joie était en tête des téléchargements au Royaume-Uni !

Ainsi, trois femmes habitent les symboles de l’Europe. Toutes trois aimées des dieux ou de Dieu, incarnent une transcendance, un « plus grand que soi » : l’arrachement vers l’inconnu, la réconciliation dans la diversité, la joie source d’unité fraternelle. Bien sûr l’Europe par son nom, son hymne ou son drapeau, n’est pas seulement un mythe qui donne à penser et à rêver. Elle est aussi, surtout, un projet collectif à réaliser en se coltinant aux réalités souvent dures et cruelles qui font l’Histoire.

Robert De Backer

(1) Ce sont les travaux du Comité Adonnino sur “l’Europe des citoyens”, chargé de réfléchir aux moyens de rapprocher l’Europe de ses citoyens qui tranche la question des symboles de l’Union européenne. Conformément à ses recommandations, le Conseil européen de Milan adopte en 1985 l’Hymne européen comme symbole officiel.

Sources : Toute l’Europe, le Figaro.

Freude, schöner Götterfunken
Tochter aus Elysium,
Wir betreten feuertrunken,
Himmlische, dein Heiligtum!
Deine Zauber binden wieder
Was die Mode streng geteilt;
Alle Menschen werden Brüder
Wo dein sanfter Flügel weilt.

Joie, belle étincelle divine,
Fille de l’assemblée des dieux,
Nous pénétrons, ivres de feu,
ô céleste, ton sanctuaire !
Tes charmes assemblent
Ce que, sévèrement, les modes divisent ;
Tous les humains deviennent frères,
lorsque se déploie ton aile douce.