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Les Flandres, un territoire où la gestion de l’eau est nécessaire en permanence

Le Pas-de-Calais et le Nord font face à de nouvelles crues en ce début d’année 2024. Certains secteurs ayant déjà été touchés en novembre 2023 par des orages et de très fortes pluies avec grêlons.

Ces départements font traditionnellement partie de la Flandre française : la moitié nord du département du Nord avec les arrondissements de Dunkerque et de Lille et une partie de l’arrondissement de Douai, ville où se situait le Parlement de Flandre sous l’Ancien Régime.

La Flandre (appelée Région flamande dans la Constitution) est aussi une des trois Régions de la Belgique fédérale à quelques kilomètres de la frontière française. Toute cette région frontalière conquise autrefois sur la mer est appelée polder. Les terrains sont extra plats et traversés par de grands cours d’eau qui sont régulièrement concernés par les alertes de Vigicrues pour la France (delta de l’Aa) et à l’identique pour la Belgique. De plus un système très ancien de grands canaux de navigation comme celui de Furnes qui relie Dunkerque (F) à Nieuport (B) accueille l’eau des petits canaux.

Tout ce système d’assèchement de ces terres situées au-dessous du niveau de la mer ainsi que ce réseau de canaux de drainage s’appelle les wateringues. Ce nom désigne aussi l’association des propriétaires qui assure de manière obligatoire et à frais commun ces travaux.

Le polder des Wateringues est un territoire transfrontalier qui s’étale de Calais à Nieuport. Des eaux s’écoulent de la France vers la Belgique et inversement.

Ce système des Wateringues comprend des fossés ( appelés watergangs, grachts, vliets ) et canaux qui se croisent et communiquent entre eux par de multiples ouvrages, pompes, vannes, écluses, siphons, etc.. afin de réguler le niveau des eaux de surface et, en cas de besoin, évacuer les excédents à la mer en s’affranchissant des marées hautes grâce à des stations d’évacuation à la mer, de pompes de grande capacité, de vannes, de clapets.

À marée basse, les portes à la mer sont ouvertes pour évacuer les eaux qui se sont accumulées dans les canaux.

Lorsqu’à marée haute, les pluies engendrent un apport d’eau ne pouvant pas être stocké, des stations de pompage de grande capacité (pompe et vanne nouvelles mises en service en 2022) permettent d’évacuer artificiellement les eaux excédentaires à la mer.

Sur le long terme, l’impact du dérèglement climatique entraînera des conséquences négatives sur l’évacuation gravitaire des eaux des Wateringues. En effet, depuis les dernières décennies, il est constaté une augmentation régulière du niveau moyen des mers dont l’origine est attribuée au réchauffement climatique global. Cette augmentation est notamment liée à un effet de dilatation thermique de la mer. De plus l’Insee projette dans ses régions plus de 500 000 habitants en 2050, l’augmentation des surfaces urbanisées, l’imperméabilisation plus grande des sols avec du ruissellement et des volumes d’eau à évacuer.

L’eau est évacuée gravitairement à la mer lorsque les portes sont ouvertes à marée basse. Quand, à marée haute, les capacités de stockage dans les canaux ne permettent pas d’attendre la marée basse suivante sans provoquer d’inondations par débordements, des stations de pompage évacuent l’eau des canaux à la mer. C’est l’institution Intercommunale des Wateringues (IIW) qui est chargée de réaliser les grands ouvrages d’évacuation des eaux à la mer et d’assurer leur exploitation et leur entretien.

Dans les ports de Calais, Dunkerque et Gravelines, elle a confié aux établissements portuaires l’exploitation et l’entretien des grands ouvrages d’évacuation des eaux à la mer.

Pour faire face aux inondations de l’Aa et de la Hem, des syndicats ont été créés par les collectivités des bassins versants.

Pour la vallée de l’Aa, il s’agit du Syndicat mixte pour l’aménagement et la gestion des eaux de l’Aa (Smage Aa), pour la vallée de la Hem du Syndicat mixte de la Vallée de la Hem (Symvahem).

Situées en amont du territoire des Wateringues, ces structures s’emploient notamment à réaliser des programmes ambitieux de « ralentissement dynamique » basés sur la mise en place de champs d’expansion de crues.

La coopération territoriale est vitale et la transfrontalière de même, l’eau ne s’arrête pas aux frontières administratives. Une convention internationale entre la France et le Royaume de Belgique existe depuis 1890. Aujourd’hui c’est le Groupement européen de coopération territoriale (GECT) West-Vlaanderen / Flandre – Dunkerque – Côte d’Opale qui est le centre de cette coopération.

Et si dans les ministères, en cas de crise, les prises de décisions sont lentes, les acteurs de terrain connaissent leurs homologues et coopèrent au quotidien pour actionner les infrastructures et faire vivre le projet Mageteaux.
L’Union européenne, via son fond FEDER a financé 55% de son installation : www.mageteaux.eu

La journaliste Elise Racque pour Télérama (avril 2024) a, dans un article très documenté, interviewé un homme de terrain Xavier Chelkowski qui affirme « il faut réapprendre à vivre avec l’eau…Les pratiques agricoles ont compacté la terre, ce qui réduit l’infiltration de l’eau… Les pompes nous rendent vulnérables car dépendants de l’électricité…» Il faut avancer plus vite et plus réfléchi vers l’adaptation en mariant les pratiques.

Nane Tissot