Lu pour vous

« Lire entre les lignes » Heinz Wismann

Heinz Wismann Lire entre les lignes
Ed. Albin Michel 480 p. 25€

Il y a plusieurs livres dans ce copieux et dense ouvrage : une centaine de textes, conférences et entretiens donnés par le philosophe dans des revues, magazines ou colloques. Comme l’indique le sous-titre – Sur les traces de l’esprit européen –, il nous propose d’abord une profonde et stimulante réflexion sur l’esprit européen, marqué, selon lui, par le geste de la « séparation reliante » inauguré par l’enlèvement par Zeus de la princesse phénicienne Europe, qui se trouve ainsi séparée de sa sœur Asie.

« Lire entre les lignes » non seulement se lit, comme son titre l’indique, mais s’étudie comme on disait autrefois de la lecture du journal le Monde ! Pour les gens pressés et néanmoins curieux, en voici un avant-goût avec cet extrait d’une interview de l’auteur sur l’esprit européen÷: “Zeus, le patron de l’Olympe, a enlevé Europe, la fille d’un petit roitelet d’Asie mineure, l’a arrachée à sa famille, mais surtout à sa sœur Asie. Il l’a amenée dans l’île de Crète où il a engendré les premiers Européens, dont le nom est tiré de cette princesse enlevée. Ceci est le mythe, or, il a toujours une fonction explicative. On va retrouver le thème de l’arrachement et de la séparation tout au long des problématiques européennes jusqu’à aujourd’hui. L’Europe n’est pas un gène, quelque chose qui se développe naturellement à partir de données qui se trouveraient déjà dans la réalité géographique ou démographique. L’Europe naît d’un geste, celui de la séparation avec l’Asie. L’esprit européen, si je devais le qualifier d’une formule, est l’aménagement constamment renouvelé dans des renaissances d’une identité autre”.

Bref, l’Europe se distingue tout au long de son histoire, philosophique, religieuse ou politique, par un « arrachement » à ses propres origines, une « séparation émancipatrice » à l’origine d’une succession de renaissances. « L’identité européenne se confond avec la trajectoire de ses renaissances, tracée par la réappropriation incessante de l’élan qui l’emporte au-delà d’elle-même. »

sources : Philosophie magazine et France-Culture interview du 21 mars 2024

Robert De Backer