Ferme Saint-Laurent
TERRE DE LIENS
L’association a été créée en 2003 pour libérer la terre de la spéculation foncière, favoriser l’accès des paysans à la terre, promouvoir des projets citoyens pour dynamiser les territoires ruraux et appuyer une agriculture respectueuse de l’environnement. Terre de liens rassemble 19 associations territoriales qui mettent en œuvre son projet. Elle est soutenue par la Macif, La Fondation de France, Le Fonds européen agricole pour le développement rural, des groupes de bénévoles, etc…
La force du collectif, de la beauté, de la diversité
Mathilde Manteaux participe à la formation post Master sur l’innovation territoriale proposée par le Collège Européen de Cluny. Elle a visité début janvier la ferme Saint-Laurent, située sur la commune de Château après avoir vécu dans le gîte situé en plein cœur de cette ferme. Témoignage de sa visite animée par Philippe, maraîcher au sein du GAEC (1).
Philippe nous a accueillis et nous a expliqué l’histoire et la raison d’être de la ferme, depuis la grande terrasse qui surplombe le magnifique paysage dans lequel s’inscrit le domaine Saint-Laurent.
La ferme Saint-Laurent a été fondée en 1992, avec un projet d’agriculture biologique collective et une forte volonté de transmission et de formation. Selon Jean-Luc Delpeuch, président de la Communauté de communes du Clunisois, l’installation il y a plus de 30 ans de cette ferme contribue à expliquer le nombre de porteurs de projets agroécologiques dans la région.
La ferme appartient à l’association Terre de Liens, ce qui garantit l’absence de spéculation financière sur ces terres agricoles et le fait que de nouveaux paysans puissent s’y installer sans devoir acheter une parcelle. La ferme est gérée par un GAEC de 6 ou 7 personnes, ce qui a de nombreux aspects positifs. D’une part ce fonctionnement collectif permet aux paysans de prendre des congés, notamment parce que les maraîchers se forment à l’élevage. D’autre part, la péréquation du chiffre d’affaires des différentes activités aboutit à fournir à tous un salaire supérieur au SMIC, sans dette(s) à rembourser. Cela favorise aussi des mises en commun intéressantes. Par exemple, les légumes invendus nourrissent les cochons. Philippe nous a également parlé des défis et des difficultés d’un fonctionnement collectif. Pour qu’il soit un atout, un travail sur soi et une communication non violente sont indispensables.
Philippe nous a raconté les impacts sur leur activité du confinement dûs au Covid. Au printemps 2020, ils ont peiné à répondre à la demande qui avait explosé, comme si les gens découvraient leur existence et leur activité. Mais cet engouement s’est arrêté avec la pandémie. Aujourd’hui la « crise du bio » sévit à Saint-Laurent comme dans toute la France. Elle s’explique par l’inflation mais aussi par l’apparition de nouveaux labels, moins contraignants que le label bio, tel la « Haute Valeur Environnementale », qui sont des vecteurs d’une concurrence pouvant être qualifiée de déloyale pour l’agriculture bio. Une autre raison est le manque de soutien public. La Cour des comptes, dans un rapport de juin 2022, soulignait le fait que la France doive amplifier son soutien à l’agriculture biologique (via les aides à l’installation, au maintien, etc) pour respecter les objectifs de l’Union Européenne relatifs à l’augmentation du pourcentage de parcelles en bio.
Enfin, j’ai demandé quel avait été l’impact de l’augmentation du prix du carburant et de la baisse prévisible de la disponibilité du pétrole . Selon Philippe ils veillent à limiter l’emploi des tracteurs aux besoins nécessaires. En revanche, concernant la fin du pétrole, il nous a dit : « je n’aimerais pas connaître ça ! ». Cette réponse m’a fait réaliser une fois de plus le niveau d’impréparation de notre société aux bouleversements systémiques que nous allons connaître. Mais, comment pouvons-nous y être préparés alors que notre Président se demandait en 2023 : « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? »
Pour surmonter les crises auxquelles est confrontée l’agriculture, de nombreux chercheurs soulignent l’importance de la diversité. A Saint-Laurent, cette diversité est mise en œuvre, s’agissant des activités agricoles ainsi que des plants, des animaux, des habitats écologiques, etc. Selon moi, cette ferme est un modèle qui détient de nombreuses solutions pour transformer notre société. Je retiendrai particulièrement la force de la beauté, du collectif couplée à un travail sur soi et sur la communication et de la diversité.
Merci Philippe, merci et bravo à tous les acteurs du Domaine Saint-Laurent et merci à Claire et Charlotte pour ce module de formation « Se nourrir local ».
1) Groupe Agricole d’Exploitation en Commun
2) Salon de l’agriculture : pourquoi la filière bio est en pleine crise de croissance (francetvinfo.fr)
3) Le label HVE trompe le consommateur, la justice doit l’interdire (fnab.org)
4) Le soutien à l’agriculture biologique | Cour des comptes (ccomptes.fr)
5) Pétrole, le déclin est proche, de Matthieu Auzanneau, avec Hortense Chauvin