Lettre n° 12- Mai 2023

De la ferme à la table

Ce titre alléchant désigne l’ambitieuse stratégie de la Commission européenne pour réduire de 50 % le recours aux pesticides d’ici à 2030. Elle décline le Pacte vert dans le domaine de l’alimentation (voir encadré). Annoncée en 2020, les eurodéputés l’ont votée le 19 octobre 2021 à une large majorité (452 voix pour, 170 voix contre et 76 abstentions) malgré l’opposition tenace du principal syndicat agricole européen, le Copa-Cogeca, qui redoute l’effondrement des rendements agricoles.

En effet, cette stratégie « verte » met la barre très haut. Elle prévoit de réduire de moitié le recours aux pesticides dans les champs européens d’ici à 2030, et de 20 % l’usage d’engrais chimiques. A cet horizon un quart des terres agricoles seraient cultivées en agriculture biologique (contre 8,5 % en 2019) et les ventes d’antibiotiques pour les animaux d’élevage réduites de moitié ! Non sans raisons : la chaîne alimentaire pèse au niveau mondial pour un tiers des émissions de gaz à effet de serre ; elle est reconnue comme un des principaux facteurs de perte de biodiversité. Or « si les insectes disparaissent, tout le reste disparaît avec eux » ; depuis une trentaine d’années des populations d’insectes auraient chuté de 80 %, une catastrophe ! (1)
Bref, les gouvernements européens en phase avec l’opinion, commencent à reconnaître que le système actuel n’est pas soutenable, même si les changements sont lents et insuffisants selon les experts et les écologistes. Le dernier rapport du GIEC (mars 2023) « un guide pratique pour désamorcer la bombe à retardement climatique » insiste ; il faut agir tout de suite et radicalement. Garder un monde vivable pour tous implique de réduire immédiatement et drastiquement les émissions dans tous les secteurs. Les études compilées dans ce rapport démontrent que l’augmentation des températures affectera la disponibilité des aliments et la nutrition. La gestion des terres, la production agricole et l’alimentation doivent changer en profondeur pour réduire le réchauffement climatique et préserver nos santés.

Encore faut-il que les décisions politiques imprègnent la vie quotidienne, concrètement et localement. Au vote du Parlement européen qui se veut contraignant, succéderont dans les prochains mois une série d’initiatives, législatives – ratification par les 27 Etats – ou autres, pour rendre le système alimentaire européen plus durable, résilient, plus respectueux du bien-être animal et de la santé humaine. Sans attendre, la Fédération française des Maisons de l’Europe a lancé un projet Europa’table. Il invite les citoyens à mettre en œuvre la stratégie de « la ferme à la table » et encourage les actions qui font honneur au savoir-faire français et européen en alimentation et en agriculture biologiques.

Nous nous sommes engagés avec conviction dans ce projet. A preuve, notre Lettre n° 12. Elle fait connaître des professionnels du Clunisois qui, de la fourche à la fourchette, adeptes des circuits courts, forment une chaîne de passionnés : agriculteurs, épiciers solidaires, formateurs, élus, chercheurs universitaires, cuisiniers, restaurateurs. Notre Lettre invite à les rencontrer, à apprécier leurs réalisations et leurs produits.

(1) Eufic www.eufic.org

ROBERT DE BACKER