Le soleil et le gouvernail, artistes portugais d’aujourd’hui
« Le soleil et le gouvernail » est le slogan du logo de la présidence portugaise du Conseil de l’Union Européenne pour le premier semestre 2021. A cette occasion deux expositions font voir la diversité et l’engagement des artistes portugais contemporains :

A Noiva -La Fiancée-, Joana Vasconcelos
- Commotion, oeuvre collective de 19 créateurs, portée par le street-artiste portugais Alexandre Farto plus connu sous le nom de Vhils, emblématique d’une Europe verte puisque les matériaux utilisés sont entièrement recyclés.
- La liberté et l’Europe : une construction commune, organisée grâce aux collections d’art contemporain de l’État portugais et du Parlement européen. Les oeuvres, datées en majorité des années 60, 70 et 80 du XXe siècle, sont la preuve de la lecture attentive de la valeur de liberté dans la construction de l’Europe(1).
Créer des liens entre Histoire et Actualité est le projet de Joana Vasconcelos, artiste portugaise de la jeune génération.
L’artiste est particulièrement engagée dans la défense et la reconnaissance du travail des femmes -à la maison et dans la vie sociale- et dans celles de l’artisanat populaire portugais (textile, crochet, céramique). Sa création pluridisciplinaire est à la fois humoristique et critique. Elle vit et travaille à Lisbonne.
Née en exil à Paris en 1971, elle revient avec ses parents au Portugal après la Révolution des Œillets en avril 1974, évènement populaire qui fait tomber la dictature salazariste au pouvoir depuis 1933. Elle est découverte à la Biennale de Venise de 2005 avec A Noiva -La Fiancée- une sculpture en forme de lustre XVIIIème blanc en câbles d’acier inoxydable et en fils de coton maintenant
ensemble vingt-cinq mille tampons hygiéniques OB. L’ensemble mesurant 6m de haut par 3m50 × 3m50. C’est une œuvre magistrale qui concentre en une seule vision, le monde de l’apparence et le monde de l’intime, le monde de ce qui s’expose et de celui qui ne se montre pas.
Joana Vasconcelos a sillonné l’Europe et le Monde en acceptant des propositions d’installations et d’expositions, au Portugal bien sûr, en Espagne, Autriche, Brésil, Italie, Grande-Bretagne, Californie, France, Danemark, Allemagne… Dans son travail, elle privilégie avec son atelier, le format amplifié ; l’accumulation, le matériau choisi dans le quotidien ; l’artisanat de son pays. Tout ceci au service d’une lecture et d’une critique d’une société qui cantonne ou exclut
les femmes, les pauvres, les migrants.
En 2013, Joana Vasconcelos représentait le Portugal à la Biennale de Venise.
Elle a fait venir dans la lagune une vieille navette fluviale de Lisbonne, un cacilheiro, le trafaria praia. Pendant longtemps ce bateau était le seul lien entre les habitants des banlieues (Trafaria est un quartier sur l’autre rive du Tage en face de Bélem) et Lisbonne. À Venise, il était amarré près de la station de vaporetto des Giardini et traversait la lagune à intervalles réguliers.

Trafaria praia, Joana Vasconcelos
L’artiste a préféré un pavillon flottant idéaliste plutôt qu’un pavillon classique à emplacement fixe. C’est un lieu neutre qui contourne ainsi de façon métaphorique les luttes de pouvoir qui marquent si souvent les relations internationales.
Elle a demandé à des artisans céramistes de recouvrir l’extérieur du bateau de céramiques azulejos traditionnelles bleues sur blanc représentant la ville actuelle de Lisbonne en prenant pour modèle le panorama du 18ème siècle The Great Panorama of Lisbon de Gabriel del Barco avant le tremblement de terre de 1755 qui a presque entièrement détruit la ville et a causé le début de son déclin économique.
À l’intérieur du bateau elle a réalisé une installation textile avec un intérieur en liège, dont le Portugal est le premier producteur mondial. On devait se sentir au milieu des sirènes. Toujours le besoin de lier Histoire et Actualité et de souligner la pertinence des lieux choisis. Ce projet évoque à la fois la destruction et la reconstruction, la menace permanente d’un séisme et la vie qui se poursuit, et revalorise en même temps les ouvrages d’art populaire comme mode de remémoration, voire d’étude du passé.
Nane Tissot
(1) Commotion, Bruxelles, hall du bâtiment Justus Lipsius, siège du Conseil de l’UE. La liberté et l’Europe, Bruxelles, Parlement Européen. Programme culturel : www.2021portugal.eu