Le Sommet social de Porto des 7 et 8 mai 2021
Un Sommet social s’est tenu à Porto sous la présidence portugaise de l’U.E. Le gratin de l’Union y était, ainsi que des responsables d’entreprises, de syndicats et de la société civile. Une « grand-messe » parmi d’autres ? Son « plan d’action » transformera-t-il la vie concrète des citoyens européens ? Oui, mais pas tout de suite…
A Porto, inscrite au patrimoine mondial, riche de cent monuments classés, patrie du fado et du vin de Porto, s’est tenu un Sommet social sous la présidence portugaise de l’U.E.
Chefs d’État et de gouvernement des 27 États membres y étaient en présentiel ou par écrans interposés ; Ursula von der Leyen, les commissaires compétents dans le domaine social, les présidents du Conseil européen et du Parlement, des responsables d’entreprise, de syndicats et de la société civile.
Les participants ont contresigné le «plan d’action» suivant :
- garantir aux personnes âgées de 20 à 64 ans, un taux d’emploi de 78% ;
- ouvrir la formation à 60% des adultes ;
- réduire de 15 millions les personnes menacées d’exclusion sociale, dont 5 millions d’enfants.

Porto et le pont sur le fleuve Douro (source : etui.)
Délai de réalisation, 2030. Le même jour des représentants de la gauche européenne tenaient un contre-sommet et la CGT portugaise rassemblait quelque 3000 manifestants contre le chômage, la précarité, les bas salaires et les licenciements liés à la transition énergétique.
Il y a loin des salles de conférence à la rue, de la pensée assise à la pensée en marche, des sommets aux vallées. Aux gens des sommets, les vues panoramiques et d’assez vagues orientations – « vœux pieux » diront certains- ; à ceux des vallées, les vues rapprochées et le concret. D’après Jacques Delors la plupart des sommets européens sont « comme des grand-messes sans la foi ». Qu’en fut-il de celui de Porto ? Un sommet pour rien ? L’avenir le dira. Son « plan d’action » transformera-t-il la vie concrète des citoyens européens ? Combien de temps y faudra-t-il ? Le temps du changement !
Gardons à l’esprit cette évidence trop souvent oubliée : l’Union
Européenne est une fédération d’Etats ; mais pas (encore ?) un Etat fédéral. Chaque pays joue donc son jeu et la mise en œuvre des
décisions est lente, cafouilleuse souvent. Par exemple, la
convergence vers le haut des salaires minimum dans l’UE. L’idée a été évoquée à Porto. Mais elle se heurte aux divisions entre Etats. Ceux du Sud, Espagne, Italie, Portugal, France, y sont favorables ; ceux du Nord défendent leur modèle de négociation collective, ceux de l’Est leur compétitivité. Autre exemple de procrastination dans le domaine social : le projet de directive sur la place des femmes dans les conseils d’administration. Il est dans les limbes depuis dix ans..
En fait, l’Europe, au niveau communautaire, ne dispose d’aucunes compétences pour agir sur le terrain social qui est de la responsabilité des Etats. Néanmoins la directive sur le détachement des travailleurs pour assurer « qu’à travail égal, sur un même lieu de travail, il y ait rémunération égale » été adoptée en mars 2018 ! Les choses se font donc… de temps en temps et l’UE se montre capable de continuité. Ainsi le sommet de Porto prolongeait celui de
Göteborg qui en 2017 avait accouché d’un « socle européen des droits sociaux » : vingt principes non-contraignants destinés à
guider les agendas futurs. « Un slogan » disaient à l’époque les plus critiques.
Pour comprendre la construction européenne il importe de se réconcilier avec le temps long. Qui se souvient que le projet d’Europe sociale fut lancé par Jacques Delors… au milieu des années 1980 !
Robert De Backer
Sources : AFP, Belga, Lalibre.be, Commission EU.